Le jardin des habitudes

Publié le par Philou

Le jardin des habitudes

Le jardin des habitudes

 

Tous les jours, après ma sieste, vers 15h30, je vais au parc de la châtaigneraie. C'est un parc qui ressemble plus à un jardin fleuri toute l'année, avec deux belles allées d'arbres apparemment centenaires et des vieux bancs en bois, encore confortable vu leur âge. Une fontaine fait frémir l'eau dans son bassin au centre du parc. L'été on peut profiter de l'ombre et de la fraîcheur du parc, à l'intersaison on bénéficie des doux rayons de soleil qui réchauffent le corps et l'hivers c'est avec plaisir qu'on parcourt ce jardin endormi, emmitouflé sous son duvet de neige.

 

Je choisis donc mon banc en fonction de la saison et, ce qui est réjouissant pour moi, c'est qu'à l'heure où je me ballade dans le parc il est désert. Souvent j'emmène les restes de pain qui traînent dans ma cuisine pour les donner à manger aux pigeons, c'est un peu ma contribution au recyclage des déchets. J'adore les voir picorer le pain dur en essayant de faire respecter une sorte de hiérarchie, la vérité ce sont les plus affamés qui se battent le plus pour cette pauvre nourriture. Après le geste écolo, je passe à mon instant culturel. J'ouvre un livre ou un magazine sur la géographie du monde et les voyages. J'essaie de me concentrer sur ce que je lis mais rapidement l'ivresse de mon environnement paisible m'appelle à la rêverie.

 

Dans le calme de ce paysage, j'aime laisser vagabonder mon esprit au grès d'une contemplation embrumée de la nature et de l'oubli du temps qui passe. Parfois j'ai l'impression d'être grisé par ce tableau floral, digne d'un Monet, et la vision de ces grands châtaigniers donne de la hauteur à mes réflexions existentielles. Le bruit de l'eau qui s'écoule, mêlé à la musique du vent dans les feuilles d'arbre, apaise mon âme et semble la régénérer, voir la rajeunir par la fraîcheur enfantine de cette douce mélodie. En fonction des saisons l'odeur du parc, telle un encens spirituel, change et approfondit ma rêverie méditative. Ainsi, j'ai le sentiment d'être connecté aux forces de la nature et à l'essence même de l'humanité. Une atmosphère sereine, qui semble venir de la nuit des temps, s'empare de moi et me berce d'espoirs ambitieux, saupoudrés de certitudes nostalgiques, pour les années à venir. Quand ma pensée, fatiguée de se creuser, se trouble au point que je ne sais plus quelle direction elle a prise, je me lève de mon banc fraternel et prend la direction de mon nid douillé où ma cafetière, à l'ancienne, sait encore diluer avec un peu d'eau le café moulu.

Publié dans cuvée 2018, nouvelles

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